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(L)IVRE DE PAPIER

 

(extrait)

 

longtemps je me suis couché de bonne heure me de­mandant comment peindre mon époque les gouvernements paient les salariés du spectacle les accablent de faveurs précisé­ment parce qu’ils n’ont point d’es­prit et que le pouvoir n’a pas à craindre qu’ils soulèvent les peuples qui manquent comme l’on voit je n’ai jamais craint de désespérer le lecteur en contre­point voici ma philosophie de vie la seule qui vaille là où croît le péril là aussi croît ce qui sauve elle peut et doit s’appliquer à presque tout et sans hiérar­chie nous autres modernes comme le cavalier sur une monture qui s’emballe nous ne goûtons notre béatitude qu’au moment où le péril est à son comble un jus d’orange pressée qui s’oxyde en 15 minutes un fruit frais qui pourrit en quelques jours une grande chasse là où est le grand risque une danse où le danger fait visiblement partie de l’exercice where the risk is a part of the rhythm ô israel galván une session de free jazz ab joi ab joi abgioia ab joyce te arridi sommo piacer quelle joie une peinture ad affresco arezzo quattrocento ô piero de borgo san sepolcro légende do­rée sans repentir pos­sible un film nitrate qui brûle et se raye une conquête amou­reuse audacieuse il a voulu m’embrasser et pendant que je me défendais comme c’est naturel il a si bien fait il a bien fallu car comment faire quelle hardiesse un exercice d’équilibriste sans filet flexi-insécurité même et aussi un écrit sans béquille ou comment aller vers le para­dis un coït sans protection avec les cinq sens une révolu­tion menée à douze fi­dèles volup­tueux une voie nouvelle en art ou en alpinisme une course de taureaux dans laquelle un homme décide de toute sa vie en un instant un jeu de paume à vous volant tenez tout en prises de risques inconsidérées en­trechats et coups de patte au filet ô scanda­leux john mcenroe et d’abord avec un engage­ment commencé en tournant le dos à son adversaire comme miles davis en concert prin­cipe de précaution ah manier sa langue comme une épée flexible toréer comme l’espada la cuadrilla dar guerra oh joie périlleuse de brandir une lame affilée et frémis­sante qui veut mordre siffler trancher c’est lorsqu’on est environné de tous les dangers qu’il n’en faut redouter aucun le vrai philosophe mène une vie non-philosophique non-sage imprudente il se risque continuelle­ment lui-même il joue les jeux dangereux c’est dans cet extrême danger que survient l’art sa main ferme dissèque son énergie tenace entreprend des expéditions polaires spirituelles s’il fallait n’en garder qu’une voilà la seule phrase à sauver de toute la philosophie occiden­tale oui quoi la pensée d’un poète parce que la poésie penserait vous n’y pensez pas eh bien si je per­siste je m’entête là où il existe un danger là il vaut la peine d’y al­ler voir sinon sommeil ennui mais oui la poésie est ce qui a lieu au fond de l’être comme tel

 

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